L’inclusion financière est un enjeu majeur pour Madagascar, où une grande partie de la population n’a pas accès aux services bancaires classiques. Près de 87% des individus de 18 ans et plus sont encore exclus du système financier formel selon l’Enquête permanente auprès des ménages (2021-2022) de l’Institut national de la statistique. Dans cette optique, Paositra Finances, filiale de la Paositra Malagasy, se positionne comme un acteur clé pour rapprocher les services financiers des Malgaches, en s’appuyant sur le vaste réseau postal du pays. Dans cette interview, Heritiana Andrianalisoa, Directeur général de Paositra Finances, revient sur l’évolution du projet, son positionnement sur le marché de la microfinance et ses perspectives d’expansion.
Sioka : Où en est Paositra Finances aujourd’hui ?
Heritiana Andrianalisoa : Paositra Finances est un projet qui a commencé en 2023. Actuellement, c’est une institution de microfinance qui a obtenu son agrément vers la fin de l’année 2023. Comme pour tout agrément, certaines conditions suspensives devaient être levées avant d’obtenir la validation définitive. Nous avons rempli ces conditions en juin 2024, ce qui nous a permis d’ouvrir notre première agence le 16 septembre 2024. Depuis cette date, nous avons entamé notre déploiement sur le territoire national. À ce jour, Paositra Finances dispose d’une vingtaine d’agences, notamment à Antananarivo, Antsirabe, Toamasina, Mahajanga et Antsiranana. Nos activités ont véritablement démarré en octobre 2024.
Quel est le statut juridique de Paositra Finances ?
Paositra Finances est une société anonyme avec conseil d’administration, comme l’exige la loi pour les établissements de microfinance. La gouvernance de l’institution est conforme aux normes imposées par la Banque centrale de Madagascar, qui est notre autorité de supervision. Concernant l’actionnariat, Paositra Finances est une filiale de la Paositra Malagasy, qui en est l’actionnaire majoritaire. En réalité, Paositra Finances entre dans le plan de développement des activités de la Paositra Malagasy. Le deuxième actionnaire est la Sonapar, une société appartenant également à l’État.
Comment Paositra Finances s’inscrit-elle dans le développement de la Paositra Malagasy ?
Paositra Finances est un projet né dans le cadre du Plan stratégique du numérique 2023-2028, porté par le Ministère du Développement du numérique, des Postes et des Télécommunications. Ce plan vise à favoriser l’inclusion numérique et financière sur tout le territoire malgache. La Paositra Malagasy est identifiée comme un levier pour lutter contre le désenclavement et développer l’inclusion. Je parle ici d’inclusion au sens large. Il y a évidemment l’inclusion numérique et digitale mais il y a également l’inclusion financière. Aujourd’hui, la Paositra Malagasy dispose de 250 agences réparties dans tout Madagascar, y compris dans des zones reculées. L’un des constats majeurs est que les Malgaches sont plus enclins à entrer dans une agence postale que dans une banque bancaires traditionnelle. Ce réseau postal représente donc un levier important pour toucher une large partie de la population. Jusqu’à présent, la Paositra Malagasy proposait déjà des services financiers comme les chèques postaux et les transferts d’argent, mais elle ne pouvait pas offrir de crédits, faute d’un agrément adapté. Paositra Finances vient donc compléter cette offre avec des solutions de microcrédit. C’est le lien entre la maison-mère et Paositra Finances.
Quel est le calendrier d’expansion de Paositra Finances ?
À court terme, nous envisageons d’ouvrir des agences dans huit régions supplémentaires au premier semestre 2025. Nous donnons la priorité aux régions du sud de Madagascar, notamment à Toliara, Manakara, Mananjary et Farafangana, où nous ne sommes pas encore présents. L’objectif est d’étendre notre couverture pour atteindre toutes les régions du pays. Ensuite nous nous comptons développer la ramification et la densité en nous avançant dans les zones rurales pour véritable toucher la population.
En tant qu’acteur de la microfinance, comment Paositra Finances se positionne-t-elle sur les taux d’intérêt ?
Paositra Finances est une société commerciale relevant du secteur privé. À ce titre, nous avons des obligations de rentabilité et devons dégager des résultats positifs. Toutefois, nous avons aussi une mission sociale qui est l’inclusion financière. Nous devons donc trouver un équilibre entre cette mission et la rentabilité économique. Nos taux sont établis selon le modèle de la microfinance, en prenant en compte entre autres le coût du refinancement, mais nous nous positionnons dans la fourchette basse des taux appliqués sur le marché. Nous sommes encore au début de notre activité, mais notre objectif est de réduire progressivement les taux grâce aux économies d’échelle qui se mettront en place à mesure que nous nous développons. L’objectif principal reste de toucher le maximum de personnes.
L’idée d’une banque postale est souvent évoquée. Qu’en est-il de ce projet ?
La vision de mettre en place une banque postale n’a pas changé, mais il faut procéder par étapes. Nous pouvons diviser ce projet en trois composantes : l’offre de services, l’agrément nécessaire pour ces services et la technologie qui doit les soutenir. Actuellement, nous proposons des crédits grâce à notre agrément d’institution de microfinance et à une plateforme technologique adaptée. L’objectif est de développer progressivement notre offre, au-delà du crédit, mais pour cela, nous devons obtenir des agréments plus élevés et améliorer notre infrastructure technologique. Si l’on devait donner un calendrier, la concrétisation du projet de banque postale pourrait se situer entre trois et cinq ans. Pour l’instant, nous nous concentrons sur le développement de notre portefeuille de services et de notre présence géographique. L’inclusion financière ne se limite pas au crédit, mais concerne tous les services financiers, et seule une banque postale pourra pleinement répondre à ces besoins.
Propos recueillis par Tolotra Andrianalizah