Alors que Madagascar recule de nouveau dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, les autorités réfutent toute atteinte à ce droit fondamental. Sur le terrain pourtant, les journalistes témoignent d’un climat qui favorise l’autocensure, entre pressions politiques et précarité économique.
113ème position sur 180 pays en 2025 avec un score de 50,8. Madagascar n’a cessé de reculer dans le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontière (RSF) au cours des cinq dernières années et même au-delà. En 2020, le pays occupait encore la 54ème place avec un score de 72,32. En cinq ans, Madagascar est passé d’une « situation plutôt bonne » (70 à 85) à une « situation difficile » (40 à 55) selon la catégorisation de RSF. Le pays a intégré cette catégorie depuis l’année dernière quand il est descendu pour la première fois sous la barre des 55 points avec un score de 54,07, un score qui lui a valu d’être classé à la 100ème place.
La ministre de la Communication et de la culture Donna Volamiranty Mara n’a pas manqué de réagir à la publication du rapport de RSF. Dans son discours à Morondava dans le cadre de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse, elle nie un quelconque recul de cette liberté à Madagascar et pointe du doigt la méthodologie du rapport qu’elle estime ne pas être inclusive. Elle affirme dans la foulée que le régime actuel est attaché à la liberté de presse et à la liberté d’expression. Un communiqué publié sur la page du ministère abonde dans ce sens, soulignant qu’« à aucun moment les restrictions communément admises à la liberté d’expression ne sont utilisées de manière abusive par le gouvernement pour restreindre la liberté de la presse ».
Précarité
Dans les faits, les journalistes s’imposent eux-mêmes des restrictions dans l’exercice de leur métier. « Oui. Ca m’arrive de taire certaines vérités. Je n’ai pas envie d’avoir des problèmes ou de perdre mon job », répond un journaliste dans un sourire résigné. Une affirmation que partagent plusieurs de ses confrères. Le terme autocensure est souvent évoqué dans le cadre de la cellule de protection mise en place par l’observatoire des médias Ilontsera et l’Ordre de journalistes de Madagascar (OJM). La présidente de l’OJM Monica Rasoloarison indique que garantir la liberté de la presse est la responsabilité de tous. Elle souligne notamment celle des politiciens et des patrons de presse. Dans le rapport, Madagascar n’est crédité que d’un score de 37,99 (contre 41,91 en 2024) pour l’indicateur politique qui évalue le degré de soutien et de respect de l’autonomie des médias face aux pressions politiques. A Madagascar, RSF indique que la « mainmise des hommes politiques sur les médias plombe le pluralisme et la liberté des journalistes. Il est fréquent que des ministres, des parlementaires ou des hommes d’affaires proches du milieu politique contrôlent directement ou indirectement des médias ».
Toutefois, c’est l’indicateur économique qui tire le score de Madagascar vers le bas avec 30,70, comme déjà en 2024, 34,03. Cet indicateur est lié aux contraintes économiques des médias et aux conditions financières du journalisme. Le rapport souligne le faible salaire des journalistes malgaches qui les laisse vulnérables à la corruption, matérialisée par le « felaka » (enveloppe contenant de l’argent pour couvrir des évènements). Il convient de noter que la morosité du tissu économique du pays a des répercussions sur la manne publicitaire. Au niveau mondial, RSF déclare que cet indicateur a également tiré la moyenne globale vers le bas avec 44,1.
L’indicateur où Madagascar a le score le plus élevé est celui concernant la sécurité avec 77,50, suivi du cadre légal, 55,53 et le cadre socioculturel, 52,48.
Tolotra Andrianalizah