Lors de sa visite d’Etat à Madagascar, Emmanuel Macron a évoqué avec le président Andry Rajoelina la création d’une commission mixte de chercheurs franco-malgaches. Cette initiative vise à éclaircir les faits historiques liés à la répression coloniale de 1947. Soixante-dix-huit ans après les événements, cette page sombre reste une plaie ouverte pour la mémoire malgache.

Une démarche paradoxale. Lors de la rencontre entre le président français et président malgache à l’instar du sommet de la Commission de l’Océan indien, Emmanuel Macron et Andry Rajoelina ont discuté de la mise en place d’une commission d’historiens franco-malgaches chargée d’étudier les violences commises pendant cette période.

Le président français a justifié cette initiative par la nécessité d’approfondir les recherches sur ce pan de l’histoire commune. Cette initiative s’inscrit dans le cadre du geste de « pardon » que la France veut présenter pour les crimes coloniaux, notamment la sanglante répression de 1947 selon Emmanuel Macron au cœur de sa visite à Madagascar. Lors de sa visite au village d’Akamasoa, fondé par le père Pedro pour les plus démunis, Macron a déclaré : « C’est un moment de notre histoire commune qu’il faut rouvrir »

Cette initiative ne fait cependant pas l’unanimité. Le professeur Harilala Ranjatohery, historien et académicien, souligne que la commission pourrait avoir deux effets contradictoires. D’une part, cette démarche confirme la culpabilité française, déjà établie par les recherches existantes. « L’offensé n’a pas à pardonner s’il n’y a pas repentance de l’offenseur ». Cette phrase employée par l’historien malgache illustre la position attendue de la France vis-à-vis de Madagascar. Selon lui, « la France doit reconnaître elle-même les meurtres commis à l’encontre du peuple malgache durant la colonisation, notamment lors des événements sanglants de 1947 ».

Compensation

D’autre part, ce sera aussi une occasion qui permettra l’accès à des archives officielles encore inexploitées en France. « Les recherches actuelles suffisent à prouver les crimes commis : exécutions massives, méthodes inhumaines… La France n’a pas besoin d’attendre de nouveaux résultats pour assumer ses responsabilités », affirme-t-il. Toutefois, il reconnaît que cette collaboration scientifique pourrait enrichir les connaissances grâce à l’ouverture d’archives inédites. « Si elle est menée avec rigueur, elle pourrait aboutir à des publications majeures », concède-t-il.

Derrière ce travail historique se cache un débat politique explosif. La question des excuses officielles divise toujours Paris et Antananarivo. Le Pr Ranjatohery craint que cette commission ne serve à « éclipser l’histoire ». « C’est une manœuvre politique pour obscurcir la vérité. Dans deux, trois ou dix ans, le peuple malgache n’aura toujours pas de réponses concrètes », dénonce-t-il.

Cependant, le professeur Harilala Ranjatohery souligne que le pardon ne suffit pas, il doit s’accompagner d’une compensation. « L’acte de pardon renforce la coopération, la fraternité et le respect entre les deux pays. Mais il ne se limite pas à des paroles ou des gestes symboliques ; il exige également une compensation, ce qui relève d’une autre dimension politique entre les deux États » affirme-til.

À ce jour, aucun décret officiel des deux pays n’a été signé pour créer cette commission. Mais sa simple évocation prouve que le dossier reste brûlant, près de 80 ans après les faits.

Antsa Valisoa