Trois jours après la prestation de serment du président de la Refondation de la République, le premier ministre est nommé. Les acteurs de la société civile et de la jeunesse dénoncent un processus sans véritable consultation.

Le président de la Refondation de la République le colonel Michael Randrianirina a dévoilé en début de soirée le nom du premier ministre en la personne de Herintsalama Rajaonarivelo. Un choix justifié, selon le chef de l’État, par « les compétences, l’expérience et les relations » du nouveau premier ministre. Herintsalama Rajaonarivelo est une figure du secteur privé malgache. A la tête du conseil d’administration de la banque BNI au moment de sa nomination, il a été président du Groupement du patronat malgache (Fivmpama) pendant plusieurs années. Titulaire d’un DEA en économie industrielle et en économie de l’emploi, il a travaillé à plusieurs reprises comme consultant auprès des partenaires techniques et financiers traditionnels du pays à l’image de la Banque mondiale ou encore de la Banque africaine du développement.

Dans un contexte politique sensible, Michael Randrianirina a tenu à préciser que l’article 54 de la Constitution qui prévoit que le premier ministre soit proposé par l’Assemblée nationale a été scrupuleusement suivi. « Qu’on le veuille ou non, il y a eu un soulèvement populaire. Il y a eu des revendications de la part du peuple malgache. Il a fallu faire coïncider les décisions avec les aspirations du mouvement », lance le président de l’Assemblée nationale Siteny Randrianasoloniaiko. Il ajoute que Herintsalama Rajaonarivelo est une personne étrangère à la politique dans les précédents les régimes comme l’a souhaité les manifestants. Il souligne également le fait que nouveau premier ministre maitrise le domaine économique pour mener la relance du pays. De son côté, l’élu Fidèle Razara Pierre explique que le premier ministre, bien que proposé par une nouvelle majorité à la Chambre basse, est le fruit d’un consensus au niveau de l’Assemblée nationale d’où la présence massive d’élus à Iavoloha.

Des doutes sur la rupture annoncée

Un consensus qui n’est finalement pas au gout de tout le monde à commencer par la Gen Z Madagascar. « Nous n’avons pas été consultés », déplore Sariaka Senecal, une porte-parole du mouvement. Même son de cloche du côté de Harijaona Andriamoraniaina du mouvement de la société civile Rohy qui « dénonce un processus sans consultations préalables ». « N’oublions pas que sa mission principale sera de nous conduire vers la refondation dans l’unité et que le premier ministre devrait répondre notamment à des critères d’intégrité, de capacités de rassemblement et être capable de mettre en œuvre une feuille de route claire, acceptée par tous », déclare pour sa part Hony Radert du Collectif des citoyens et des organisations citoyennes. Sur cette lancée, Mialisoa Randriamampianina de Transparency International Initiative Madagascar indique que l’objectif d’un processus concerté est d’aboutir à une situation sécurisante pour Madagascar sans nouvelles casseroles à gérer et sans terrain miné pour la corruption. « Cette refondation doit être transparente et partagée, à commencer par la nomination du numéro un de l’exécutif », poursuit-elle.

Aussitôt nommé, le nouveau premier ministre est la cible d’une vague de publications hostiles, lui prêtant des liens avec certaines personnalités sulfureuses de l’ancien régime. Un des leaders des manifestations, sous couvert de l’anonymat, rappelle que le mouvement souhaite une rupture totale avec le passé et prévient que toute ambiguïté serait perçu comme un mauvais signal. Charge au chef de l’Etat de rassurer l’opinion sur ces allégations poursuit notre interlocuteur qui précise que la responsabilité incombe aux députés qui ont proposé ce nom. Toutefois, il indique que le colonel Michael Randrianirina leur a signifié qu’il prendrait les mesures nécessaires en cas de défaillance. Sur ce point, la Gen Z Madagascar indique vouloir demander une enquête de moralité comprenant les relations du premier ministre avec l’ancien gouvernement et son patrimoine. « Nous ne sommes pas en accord avec cette décision tant que nous n’aurons pas cette enquête », déclare Sariaka Senecal.

Des organisations de la société civile malgache tiendront une conférence de presse demain pour réagir officiellement à la nomination du premier ministre.

Tolotra Andrianalizah