Les lacunes au niveau de la communication des autorités dans le cadre de l’affaire Ambohimalaza a laissé place aux spéculations, aux rumeurs… jusqu’à mobiliser le président de la République himself, venu refermer un dossier qui prenait chaque jour de l’ampleur.
Un mois d’incertitudes et de flou. Face à la montée des interrogations et à la défiance autour de ce qui s’est réellement passé à Ambohimalaza mi-juin, le président de la République Andry Rajoelina a dû intervenir en personne à la télévision nationale dans la soirée du 24 juillet. Il était entouré du ministre de la Santé publique Zely Randriamanantany, du ministre de la Sécurité publique Herilala Rakotoarimanana, du ministre délégué à la Gendarmerie nationale Andriantsarafara Rakotondrazaka, et de la procureure de la République Narindra Rakotoniaina. Une séquence inhabituelle pour une affaire qui, à l’origine, relève du pénal ordinaire malgré son caractère sordide. 32 décès jusqu’ici sur une soixantaine d’hospitalisations.
Belladone et datura
Dès les premiers jours, le professeur Zely Randriamanantany a affirmé que l’empoisonnement ne faisait aucun doute. Pourtant, aucune information claire n’a filtré même lorsque les résultats des analyses effectués sur des échantillons étaient parvenus aux autorités. Pas de nom de poison, pas même l’identité du laboratoire ayant effectué les examens. Il a fallu une enquête journalistique menée par les correspondantes de TV5 Monde et de RFI pour connaitre le nom du laboratoire en question. Le secret de l’instruction a été invoqué pour justifier ce silence. En l’absence de communication structurée, les hypothèses les plus diverses ont circulé, y compris celle du botulisme que les autorités ont toujours vivement écartée. Les justifications apportées par différents responsables au sein du ministère de la Santé n’ont pas permis de lever un doute déjà ancré depuis le début de l’affaire le 14 juin.
C’est dans ce contexte que s’est tenue l’intervention télévisée du 24 juillet. L’objectif annoncé est de lever toutes les zones d’ombre dans cette affaire. Le clou de l’intervention sera quand Andry Rajoelina révèle le nom du poison ou plus précisément les plantes utilisées dans sa composition. La belladone et le datura ont été retrouvées dans les vomissements d’une victime et dans l’un des domiciles perquisitionnés. Le général Andriantsarafara Rakotondrazaka indique que l’affaire serait liée à une querelle familiale, selon les aveux même d’un suspect.
D’une pierre deux coups
L’intervention télévisée a également permis d’aborder les autres cas d’intoxication signalés dans différentes localités après celui d’Ambohimalaza. Il aura fallu cette sortie médiatique pour que le ministre de la Santé apporte des précisions attendues. Selon lui, seul le cas d’Ambositra a été confirmé comme étant lié au botulisme, à la suite d’analyses effectuées à l’Institut Pasteur de Paris. En revanche, cette hypothèse a été écartée pour les cas recensés à Mahajanga et à Toliara.
Le silence prolongé des autorités, ponctué de déclarations incomplètes, a fini par transformer une affaire pénale en véritable crise de confiance. Le recours à cette émission spéciale met en lumière les carences du gouvernement en matière de gestion de crise et de communication publique dans une volonté manifeste de contrôler le narratif. Le journaliste Abraham Razafy de TV Plus qui a interviewé les responsables a d’ailleurs soulevé ce fait. Au final, la nature du crime aura autant marqué l’opinion que la manière dont l’information a été distillée.
Tolotra Andrianalizah