Au-delà des chiffres et de l’ingénierie, le barrage Volobe II est une aventure profondément humaine qui se dessine au cœur d’un site enclavé, faite de promesses d’électricité, de routes, mais aussi de dialogue. Sur le site du barrage et dans l’une des communes concernées, immersion au sein d’un projet qui suscite de fortes attentes chez les habitants.

« Nous espérons que la construction de la route se poursuivra. Ce sont les engins du projet qui ont tracé une route jusqu’à chez nous et nous espérons qu’ils vont continuer », lance Emile. « Je voudrais savoir jusqu’où l’eau du barrage va s’étendre. C’est pour cela que je suis ici », indique pour sa part Jacques qui s’inquiète pour une partie de ses rizières. Ces deux hommes sont venus à la journée portes ouvertures organisée par la Compagnie générale d’hydroélectricité de Volobe (CGHV) dans la commune rurale d’Ambodilazana le 23 juillet. Les habitants de la commune venus à l’évènement écoutent avec attention les explications des responsables de la CGHV devant la maquette d’un barrage. « Nous organisons beaucoup d’évènements de ce type. Nous prenons vraiment le temps d’expliquer aux gens », déclare la directrice de la communication de CGHV Enick Razafindrakoto qui souligne l’importance d’un climat de confiance entre les populations concernées et la compagnie.  

Le stand de la CGHV avec la maquette d’un barrage.

Pour rappel, le projet Volobe II consiste en la construction d’un barrage hydroélectrique sur le fleuve Ivondro dans le district de Toamasina II. Le barrage de 25 m de haut formera un lac de 450 hectares qui touchera entre autres la commune d’Ambodilazana. « Nous expliquons aux populations en quoi consiste le projet, quels en sont les bénéfices, quels en sont les impacts, et surtout comment ces impacts seront évités. Lorsque cela n’est pas possible, nous mettons en place des mesures de compensation ou d’indemnisation. L’idée est de permettre à ces ménages d’avoir des revenus au moins identiques voire supérieurs », indique le directeur général de la CGHV Rémy Huber. Concrètement, une cinquantaine d’habitations devront être déplacées et des terrains agricoles seront inondés. « Depuis 2017, nous échangeons avec les populations à ce sujet. L’identification des terrains potentiels pour d’éventuels déplacements s’est faite avec leur participation, afin de garantir la continuité de leurs activités sociales, économiques et culturelles », poursuit Enick Razafindrakoto. Quoi qu’il en soit, elle indique que le caractère inclusif du projet constitue un atout pour son acceptabilité malgré les impacts. « Le barrage va produire de l’électricité destinée à une consommation locale et nationale », rappelle-t-elle avec enthousiasme. Enick Razafindrakoto d’ajouter que la présence de Volobe I, en service depuis 1931, facilite la compréhension du système. « Mais ce qui compte le plus pour nous, c’est de maintenir le dialogue et un climat de confiance, pour avancer ensemble », conclut-elle en soulignant une forme d’unanimité autour du projet.

Le site de Volobe I.

Volobe I, appartenant à la Jirama, est un petit bijou d’ingénierie datant de 1931, toujours en activité. Véritable patrimoine industriel niché dans la forêt, l’usine il continue d’assurer 20 % de l’électricité de Toamasina avec ses 6,9 MW. Il est situé en aval de Volobe II toujours sur l’Ivondro qui est cartographié et étudié depuis 1901 

Malgré les impacts de l’implantation d’une telle infrastructure dans leur localité, les gens attendent beaucoup du projet à commencer par la route. Il faut en effet quatre heures en voiture tout-terrain pour faire la quarantaine de kilomètres entre la commune d’Ambodilazana et la ville de Toamasina. La piste, défoncée à plusieurs endroits, oblige à la patience et le climat humide typique de la côte Est n’aide pas. La construction des voies d’accès pour le transport des matériaux constitue justement la première phase du projet. A cet effet, la CGHV prévoit la construction d’une nouvelle route avec un pont de 150 m … mais pour l’heure, il faut emprunter la piste existante pour rallier le site et un bac pour traverser l’Ivondro. Dans un premier temps, la compagnie annonce qu’elle entend rendre la piste plus praticable avec un nouveau bac dans les prochains mois. Cela suffit pour nourrir l’espoir des habitants qui rêvent déjà de tuk-tuk, un mode de transport très prisé à Toamasina. Autre motif d’espoir pour la population : l’emploi. « Combien de nos jeunes travailleront dans le projet ? lance une voix dans la foule amassée devant le stand de la CGHV. Ce ne serait pas juste si nos jeunes ne pouvaient pas en profiter ». Entre 1 000 et 1 500 personnes travailleront sur la construction du barrage, sur le creusement, sur les routes d’accès et sur la construction de l’usine. Le projet assure qu’une grande partie de la main d’œuvre sera malgache avec une priorité accordée aux jeunes de la zone.   

La route menant au site.

L’eau du réservoir sera acheminée par un tunnel de 6 mètres de diamètre sur une distance de 3 kilomètres jusqu’à un puits vertical d’environ 100 mètres de profondeur. Elle alimentera ensuite une usine souterraine équipée de six turbines de 20 MW chacune, pour une puissance totale de 120 MW. L’eau sera enfin restituée à l’aval par un second tunnel long de 4 kilomètres

Objectif 2030

Mais quand est-ce que la construction démarrera ? Ce sera la clôture financière du projet qui marquera le début des travaux. Rémy Huber annonce le deuxième semestre de l’année prochaine, en 2026. Le directeur général indique que l’entrée d’EDF dans le capital a donné un boost de confiance aux prêteurs. L’industriel français a officiellement rejoint le projet il y a trois mois en marge de la visite officielle du président français Emmanuel Macron à Madagascar. « Les prêteurs institutionnels comme la Banque africaine du développement (BAD), la Société financière internationale (SFI) de la Banque mondiale, Proparco du groupe AFD, la Banque européenne d’investissement (BEI), la Development finance corporation (DFC-banque américaine de développement) sont prêts à soutenir financièrement le projet. Nous sommes en train de discuter avec eux pour finaliser un pool de prêteurs. On parle d’un contrat de financement d’environ 400 millions d’euros », lance-t-il en rappelant que le montant total du projet est de 650 millions d’euros HT. « Les prêteurs doivent s’assurer que la CGHV a pris tous les éléments en considération pour avoir un projet finançable et durable dans le temps », poursuit-il en estimant que le barrage devrait fournir ses premiers MW à l’horizon 2030.

Les actionnaires de Volobe :

AXIAN Energy : 37,5 %

; EDF Renouvelables : 37,5 % ;

Africa50 : 25 % 

Quoi qu’il en soit, la CGHV a déjà lancé le mécanisme de présélection des entreprises dans les domaines du génie civil, de l’électromécanique de la ligne de transmission. Un nouveau document technique avec des optimisations du projet est par ailleurs en cours de finalisation. « Nous nous sommes engagés auprès du gouvernement d’optimiser le projet tel qu’il a été signé en 2023. L’objectif est de réduire autant que possible les impacts sur les populations et l’environnement, ou de minimiser les effets sur le coût global du projet », explique Rémy Huber. Une fois le dossier technique finalisé, la CGHV pourra lancer les appels d’offre. Enick Razafindrakoto indique que cela permettra de démarrer dès que la clôture financière est actée.

Una camion de la Jirama sur la route menant au site.

A l’échelle nationale, le lancement du barrage de Volobe II apportera un nouveau souffle au secteur de l’énergie, avec comme symbole une Jirama gangrénée par un système d’exploitation déficitaire. La CGHV vendra son électricité à la compagnie nationale rappelle le directeur général. Avec une capacité de production annuelle de 750 GWh par an, Volobe II représente 35% de la consommation actuelle du pays. « Nous allons apporter 35% d’énergie en plus qui va permettre d’améliorer la capacité de la Jirama », avance le directeur général de la CGHV. Reste à savoir les prix de vente. Rémy Huber indique que ces prix seront finalisés au moment où les contrats de travaux et les contrats de financement seront actés. « Aujourd’hui, notre objectif est de proposer un tarif inférieur à 10 cents, d’être le plus bas possible. Nous travaillons main dans la main avec l’État pour aboutir à un tarif optimisé dans l’esprit d’un partenariat public-privé », déclare Rémy Huber. Enick Razafindrakoto d’ajouter que sur les 25 années de concession pour la gestion du projet, la CGHV aura les 20 années d’exploitation pour rembourser les prêts.

Volobe II est un projet porteur de promesses pour la population locale mais également un levier crucial pour améliorer l’approvisionnement en électricité de Madagascar. Le dialogue reste au centre de l’équation tout en prenant en compte les différents enjeux.

Tolotra Andrianalizah