La capture de l’Etat aura été un thème récurrent dans les différentes alertes de la société civile à Madagascar au cours de ces dernières années face à l’opacité du financement des partis politiques et surtout des campagnes électorales. Avec la ministre de la Justice qui est en train de plaider pour la reconnaissance du crime de capture d’État au sein du Statut de Rome, retour sur un long appel … dans le désert.
« Si vous ne disposez pas des moyens financiers nécessaires, (…) ce n’est pas la peine de se présenter aux élections ». Cette sortie du politicien malgache typique Norbert Lala Ratsirahonana en mars 2023 en dit long sur la pratique de la politique à Madagascar. Les dernières échéances électorales notamment les présidentielles ont vu un déballage de ressources financières à la limite de la pudeur devant la pauvreté de la population. Il est devenu « normal » dans le pays que l’argent coule à flot lors des périodes électorales. Mais d’où peut provenir tout cet argent ? La société civile a longtemps tiré la sonnette d’alarme sur cette situation entre la nécessité d’un encadrement du financement des partis politiques et du plafonnement des fonds de campagne. Des appels qui n’ont eu jusqu’à présent pas d’écho aussi bien au niveau des législateurs que de la population finalement. Les recommandations sont restées lettres mortes malgré l’insistance des organisations de la société civile.
Les élections, porte ouverte à la capture de l’Etat
2025, le feuilleton judiciaire du tentaculaire homme d’affaires Mamy Ravatomanga, dont les suspicions de mainmise sur les différents organes de l’Etat, sonne comme une piqûre de rappel. Dans sa croisade contre ceux qui « ont pillé le pays », selon les dires du président de la Refondation le colonel Michael Randrianirina, le gouvernement, par l’intermédiaire de la ministre de la Justice Fanirisoa Ernaivo plaide actuellement à La Haye pour la reconnaissance du crime de capture d’État au sein du Statut de Rome. « Cette proposition entend sanctionner, au niveau international, les formes les plus graves de corruption systémique, lorsque des individus ou des groupes influents manipulent les institutions publiques, les décisions de l’État et les ressources nationales à leur profit exclusif », peut-on lire sur la page Facebook du ministère.
Pour la société civile malgache, les élections constituent une porte ouverte à cette capture de l’Etat et Madagascar, selon Transparency International – Initiative Madagascar (TI-MG) est ni plus ni moins qu’un Etat captif. L’association définit « la capture de l’État comme une situation dans laquelle des individus, des institutions, des entreprises ou des groupes puissants à l’intérieur ou à l’extérieur d’un pays utilisent la corruption pour influencer les politiques, l’environnement juridique et l’économie d’une nation au profit de leurs propres intérêts privés ». Elle résume la capture de l’Etat comme une forme de méta-corruption organisée depuis le sommet de l’Etat. En finançant les partis politiques et les campagnes, des intérêts privés espèrent influer sur les décisions. Un reportage de la BBC avait révélé que des intérêts russes ont misé sur six larrons lors de la présidentielle de 2018 en apportant des fonds pour leur campagne. Une élection qui a été remportée par Andry Rajoelina avec son lot d’« amis » puissants dont Mamy Ravatomanga (ndlr : TI-MG souligne dans son rapport de juin 2021 les liens entre Andry Rajoelina et Mamy Ravatomanga lors de la présidentielle de 2018) avec la suite qu’on connait. Si les enquêtes en cours devraient mettre la lumière sur le réel pouvoir de l’homme d’affaires, la prospérité de ces entreprises et l’aisance qu’il a affiché sous l’ère Rajoelina laissent peu doute dans un climat des affaires jugé peu propice par ses pairs.
La réforme des textes électoraux figure parmi les principales missions du régime transitoire. La question du financement des partis politiques et du plafonnement des campagnes sera surement sur la table des discussions. Une occasion pour la société civile de se faire entendre … Enfin.
Tolotra Andrianalizah


