Traquer les personnes qui ont spolié les richesses du pays. Le chef de l’Etat le colonel Michael Randrianirina a rappelé les missions du gouvernement nouvellement formé dont celle qui consiste à poursuivre « les personnes qui ont spolié les richesses du pays ». Dans cette optique, la nomination de Fanirisoa Ernaivo à la tête du ministère de la Justice n’est pas anodine. Portrait.

Première femme à être élue à la tête du Syndicat des magistrats de Madagascar (SMM) en 2016, Fanirisoa Ernaivo s’est déjà fait remarquer en dénonçant une corruption qui « fait partie du système », selon ses propos sur le plateau de TV5 Monde en juin 2017. Le SMM avait alors réclamé l’indépendance d’une justice « qui est quasiment sous l’emprise de l’Exécutif ». Mâchant rarement ses mots, elle a été révoquée de la magistrature en 2019 après avoir été suspendue un an plus tôt pour avoir tenu un discours jugé à l’époque offensants à l’encontre des forces de police lors des manifestations contestant l’élection d’un certain Andry Rajoelina à la Présidence du pays, une élection à laquelle elle était candidate.

Contrainte à l’exil, elle a maintenu son travail de sape durant tout ce temps sur les réseaux à travers des vidéos dénonçant les différentes malversations qu’aurait commises les dirigeants. Si ses podcasts étaient parfois limites, ils ont eu leur public à Madagascar, alimentant souvent les débats. Au premier rang lors du procès de la directrice de cabinet d’Andry Rajoelina, Romy Voos à Londres pour corruption, elle sautait sur la moindre occasion pour alerter les citoyens sur les agissements des tenants du pouvoir et des électrons libres autour dont le magnat Mamy Ravatomanga. Comme un symbole, elle a été mandatée par la présidence de la Refondation de la République pour suivre de près le cas de cet homme d’affaires, embourbé dans des affaires judiciaires sur l’ile Maurice au lendemain de la chute du régime Rajoelina.

C’est en épouvantail qu’elle entre donc à Andohalo. Avant la mise en place du gouvernement, les anciens tenants du pouvoir ont laissé entendre qu’ils redoutaient une vendetta. Mais au-delà de cette chasse aux sorcières annoncée, Fanirisoa Ernaivo sera attendue sur l’effectivité de l’indépendance de l’appareil judiciaire réclamée, mais également sur une stratégie efficace de lutte contre la corruption. Il s’agirait d’une des pierres sur lesquelles repose la rupture scandée lors des manifestations qui ont conduit à la chute du régime Rajoelina.

Tolotra Andrianalizah