Au lendemain d’un 14 octobre 2025 historique, Madagascar balance entre soulagement et incertitude. Soulagement, car une étape importante d’une crise politique qui se dessine a été franchie hier avec la prise du pouvoir par le colonel Michael Randrianirina. Et incertitude car le désormais ancien président Andry Rajoelina, en se référant à la motion d’empêchement à son encontre, validée par la Haute cour constitutionnelle, martèle sur les réseaux sociaux qu’il demeure à la tête du pays.

Depuis le début de la crise, Andry Rajoelina a misé sur le respect du cadre constitutionnel pour discréditer les manifestations qui ont commencé à réclamer son départ du pouvoir, n’hésitant pas à évoquer des manœuvres politiciennes. Les éléments de langage employés dans sa dernière allocution télévisée en disent long. Alors qu’il avait déjà quitté le pays en catimini, il a d’abord indiqué avoir été contraint de partir pour préserver sa vie avant de brandir le spectre des sanctions internationales si Madagascar venait à s’écarter du cadre constitutionnel.

Pendant toute la journée du 14 octobre, la communication présidentielle est restée sur cette ligne. Après l’annonce de la prise du pouvoir par le colonel Michael Randrianirina, un communiqué sur la page de la présidence de la République « condamne » la déclaration faite par le colonel Michael Randrianirina à Ambotsirohitra. « La présence de forces militaires devant le palais présidentiel constitue un acte manifeste de tentative de coup d’Etat et une atteinte grave à la légalité républicaine ». Le texte se conclut par un message sans équivoque : « le président de la République demeure pleinement en fonction ». Malgré qu’il soit hors des frontières, Andry Rajoelina publie sur compte X peu après le constat de vacance du pouvoir par la Haute cour constitutionnelle qu’il procédait à la réception de nouveaux groupes électrogènes « afin de d’augmenter la production d’énergie à Madagascar et de répondre aux difficultés d’électricité que vivent nos concitoyens ». Une manière pour lui de montrer qu’il continue d’agir en président légitime. Andry Rajoelina joue ainsi la seule carte qui lui reste à savoir les sanctions internationales. Des sanctions qu’il a lui-même connues quand sa prise de pouvoir en 2009 était largement condamnée par la communauté internationale.

En face, le colonel Michael Randrianirina martèle qu’il n’est nullement question de coup d’Etat. Avant de se rendre au palais d’Ambotsirohitra, il a déclaré à la foule « le président est absent. Le président du Sénat s’est enfui. Le gouvernement n’a que trois ministres. Le pays n’a plus de dirigeants. Nous allons prendre nos responsabilités ! ». Même discours chez les députés qui ont voté l’empêchement du président. L’élu Fidèle Razara Pierre indique que les actions menées par les militaires et l’Assemblée nationale étaient complémentaires. Après avoir dissout plusieurs institutions dont le Sénat et la Haute cour constitutionnelle, sauf l’Assemblée nationale, la prochaine étape pour la transition en place dans le pays est la formation d’un gouvernement avec un premier ministre de consensus, souligne le colonel Michael Randrianirina. Dans leurs discours comme dans leurs actes, le conseil militaire et les députés avancent prudemment, cherchant à rester dans les limites de la légalité pour éviter d’être accusés de coup d’État.

Un nouvel épisode s’ouvre désormais, opposant un chef d’État en treillis à un président contesté, avec pour arbitre une communauté internationale encore silencieuse. Pour l’heure, aucune chancellerie n’a officiellement réagi.

Tolotra Andrianalizah