Après avoir constaté la vacance du pouvoir et confié les rênes du pays au colonel Michael Randrianirina, la Haute cour constitutionnelle (HCC) enfonce le clou en déboutant une requête d’Andry Rajoelina.
« Les arrêts et décisions de la Haute Cour Constitutionnelle sont motivés, ils ne sont susceptibles d’aucun recours. Ils s’imposent à tous les pouvoirs publics ainsi qu’aux autorités administratives et juridictionnelles ». C’est en s’appuyant sur l’alinéa 3 de l’article 120 de la Constitution que la HCC balaie d’un revers de main la demande de l’ancien président, jugée irrecevable. Le 16 octobre, l’ancien président a requis la Cour de reconsidérer sa décision et de rétablir ainsi l’ordre constitutionnel. Pour rappel, le 14 octobre, la HCC avait constaté la vacance du pouvoir et avait invité le colonel Michael Randrianirina à exercer les fonctions de chef de l’Etat, actant ainsi la fin de l’ère Rajoelina.
Voir le camp Rajoelina ainsi débouté par la HCC n’est pas anodin Durant les sept dernières années, les refus de la Cour ciblaient surtout l’opposition, notamment sur le terrain électoral. « Irrecevables » ou « non-fondées ». Ces termes sont devenus une rengaine dont la population s’est emparée au fil des arrêts rendus à Ambohidahy. Le parti « Orange » s’en est sorti pratiquement à chaque fois jusqu’au moment où l’opposition croyait tenir l’ancien président pour de bon avec la question de la nationalité juste avant la présidentielle de 2023.
Aout 2023, l’opposante Fanirisoa Ernaivo avait déposé une requête pour invalider la candidature d’Andry Rajoelina. Celle-ci s’appuyait sur le fait qu’il aurait perdu la nationalité malgache après avoir sollicité la nationalité française en novembre 2014. Déjà en s’appuyant sur l’article 120, la HCC avait déclaré la requête irrecevable, estimant qu’elle « ne vise qu’à créer des troubles compte tenu du contexte pré-électoral ». Une décision qui avait conduit une large partie des candidats au boycott et alimenté la défiance politique à l’égard de la HCC.
Justice des vainqueurs
Les hauts commissaires qui siègent à Ambohidahy n’ont cependant pas changé, avec à sa tête Florent Rakotoarisoa. Ce sont les mêmes membres qui ont assisté à la prestation de serment du colonel Michael Randrianirina. Le jour de l’investiture, le conseiller municipal Alban Rakotoarisoa n’avait pas mâché ses mots à l’encontre des membres de l’institution. « Je pardonne mais je n’oublie pas » lançait celui qui fut parmi les initiateurs de la manifestation du 25 septembre, considérée comme le point de bascule du régime Rajoelina. « Je suis en colère après le discours du président de la HCC. Aujourd’hui, il s’est excusé et s’est justifié sous les applaudissements de l’assistance (…) Nous n’oublions pas que la HCC est à l’origine des contestations. Si la HCC avait refusé la candidature d’Andry Rajoelina le 9 septembre 2023, (…) le pays ne serait pas dans cette situation », déclarait-il à la sortie de la salle.
Alors que la transition actuelle promet une rupture avec les anciennes pratiques, le chantier de la justice figurera sans doute en bonne place lors des assises annoncées pour la Refondation. À Madagascar, chaque alternance politique s’accompagne régulièrement de nouveaux procès et de nouvelles têtes tombées. L’affaire Ravatomanga, qui s’ouvre à peine, bien qu’initiée à Maurice, illustre déjà cette mécanique bien connue. Le parcours de cet homme d’affaires proche d’Andry Rajoelina rappelle celui de Mbola Rajaonah, allié de l’ex-président Hery Rajaonarimampianina, incarcéré après l’arrivée au pouvoir de Rajoelina en 2018, puis libéré par ce dernier au nom de l’apaisement juste avant sa fuite du pays.
La nationalité malgache d’Andry Rajoelina, elle, n’a pas résisté au changement de régime. Le Premier ministre de la Refondation de la République, Herintsalama Rajaonarivelo, a signé un décret retirant la nationalité à l’ancien président, reprenant mot pour mot les mêmes fondements juridiques brandis deux ans plus tôt.
Tolotra Andrianalizah


