Face à la montée des contestations sur le coût de la connexion, le gouvernement a voulu montrer qu’il prenait la question au sérieux. Quatre ministères ont été dépêchés sur le plateau de la télévision nationale pour expliquer la situation du prix d’internet à Madagascar et la position du gouvernement dans ce qui s’annonce comme un nouveau bras de fer avec les opérateurs.

Parmi les nombreuses revendications portées ces dernières semaines, celle sur le prix de la connexion a bénéficié d’un traitement particulier ce lundi. Une émission spéciale lui a été consacrée sur la chaine nationale, avec la présence du ministre du Développement du numérique Mahefa Andriamampiadana, le ministère de la Communication Gascar Mandrindrarivony, du ministère de l’Enseignement supérieur Manda-Vy Ravonimanantsoa et du secrétaire général du ministère des Finances Iouri Garisse Razafindrakoto. Une mobilisation inhabituelle qui trahit une certaine fébrilité du pouvoir face à la pression d’une jeunesse connectée, très active sur les réseaux sociaux.

Les négociations sont en cours entre le gouvernement et les opérateurs indiquent les intervenants. Mahefa Andriamampiadana a dressé les conditions demandées par les opérateurs à savoir une exonération pour les téléphones de moins de 100 dollars, la suppression des taxes sur les transactions mobiles et l’annulation des droits d’accise sur les téléphones. Autant de demandes qui, selon lui, constituent un blocage, l’État étant contraint de procéder à des arbitrages budgétaires.

Les revendications du secteur privé ne datent pourtant pas d’hier. Depuis plusieurs années, opérateurs et autorités se renvoient la balle sur la responsabilité du niveau des prix. Les premiers dénoncent une fiscalité lourde et une base de clients à faible pouvoir d’achat. Le second répond par la nécessité de préserver les recettes publiques tout en défendant l’intérêt des consommateurs. Le débat reste ouvert, mais le ton s’est visiblement durci sous la pression des réseaux. Gascar Mandrindrarivony parle de “bras de fer” et avertit que l’État n’hésiterait pas à faire usage de la loi en cas d’impasse. Parmi les alternatives évoquées, le ministre de la communication indique que le gouvernement dit vouloir encourager de nouveaux investisseurs à entrer sur le marché pour faire baisser les prix.

Mais l’équation reste complexe. La pénétration d’internet est encore faible, Madagascar faisant partie des pays ayant le plus faible taux en monde avec 20.4% selon le Digital Report 2025 du cabinet Kepios. Le prix de la connexion est jugé prohibitif par rapport au pouvoir d’achat, tandis que les opérateurs invoquent un mode de consommation trop faible pour un modèle viable. Un prix plancher a été expérimenté en 2024 au nom de la neutralité d’internet pour booster la consommation, mettant fin aux offres spéciales réseaux sociaux, un dispositif abandonné au bout d’un mois face au tollé que cela avait provoqué. “Comment voulez-vous avoir un modèle viable avec des consommations de 500 ariary ?”, s’était plaint un opérateur à l’époque.

Il est de ce fait essentiel pour le gouvernement de maintenir l’attractivité du pays afin d’inciter les opérateurs, anciens comme nouveaux, à investir et à étendre leur réseau. Dans le même temps, le gouvernement se veut prudent dans les dépenses fiscales. Lors de l’émission, Iouri Garisse Razafindrakoto a précisé que le total des impôts et des droits de douanes versés par le secteur des télécoms dépassait les 287 milliards d’ariary en 2024, soit l’équivalent du budget d’un ministère comme celui de la Justice ou de la Sécurité. Il a par ailleurs précisé qu’il serait difficile d’accéder à ces demandes à ce stade de l’adoption du Projet de la loi de finances initiale.

Entre impératifs budgétaires, exigences des opérateurs et pression sociale, le compromis à trouver est étroit.

Tolotra Andrianalizah