La sortie controversée de la porte-parole de la Présidence sur la compétence des professeurs malgaches a déclenché une vive polémique sur les réseaux sociaux. Au-delà de la simple maladresse, cette affaire soulève la question de la place marginale accordée à la recherche scientifique dans un pays où les investissements restent loin des standards internationaux.
Alors qu’elle était invitée sur le plateau d’un média pour aborder plusieurs sujets brûlants, la porte-parole de la Présidence Lova Ranoromaro a vu son intervention d’un peu plus d’une heure réduite à une maladresse devenue virale. Vers la 36e minute, elle a laissé entendre que les professeurs malgaches ne seraient plus aussi éminents qu’autrefois, justifiant ainsi un échange de formation avec des professeurs français. Cette seule phrase a suffi à embraser les réseaux sociaux, la facebookosphère en tête.
Face au tollé, la porte-parole a reçu la ministre de l’Enseignement supérieur et le président du syndicat des enseignants chercheurs (SECES) pour s’expliquer. « Si mes mots ont pu prêter à confusion, je le regrette, car mon intention n’a jamais été de remettre en cause la compétence de nos professeurs de médecine, pour lesquels j’ai le plus grand respect », lance-t-elle sur sa page Facebook. Elle a précisé vouloir soutenir le projet présidentiel visant à relancer et renforcer la formation continue des professeurs dans le domaine de la santé, afin qu’ils puissent accéder aux dernières avancées scientifiques et partager leur savoir-faire.
Nouvelle polémique médiatique
« Soyons prudents, les manipulations et interprétations déformées ne servent pas l’intérêt des Malagasy », conclut-elle. Mais le mal était déjà fait. Dans un contexte où chaque mot des officiels est scruté à la loupe, ce « buzz » n’a pas manqué d’alimenter les débats. Si cette sortie concernait le domaine médical, c’est tout le corps enseignant malgache qui s’est senti visé. Le bufeau national du SECES a exigé des excuses publiques, espérant que ces propos ne reflètent pas la position officielle de l’exécutif.
Plusieurs personnalités du monde universitaire ont également réagi. Baomiavotse Vahinala Raharinirina, ancienne directrice de cabinet de la Présidence et non moins maitre de conférences à l’université de Fianarantsoa, ironise sur une étudiante malgache qui vient d’obtenir une bourse d’excellence à Paris-Sorbonne, soulignant qu’elle a été « modelée » par les professeurs malgaches. Béatrice Assoumacou, ancienne ministre de l’Enseignement supérieur dénonce de son côté « l’irrespect et la dévaluation de l’enseignant », symptômes selon elle « de la décadence d’une société malade ». L’éminent primatologue Jonah Ratsimbazafy a également réagi, publiant entre autres une photo avec le professeur Lily-Arison René de Roland, lauréat du prix Indianapolis 2025 pour souligner la qualité du corps scientifique malgache.
Investissement limité
Au-delà de la maladresse, cette affaire met en lumière une faible considération accordée à la recherche et à l’enseignement supérieur à Madagascar. Le premier indicateur est le budget. Dans la Loi de finances 2025, la part allouée au ministère de l’Enseignement supérieur s’élève à 285,6 milliards d’ariary, soit environ 2 % du budget de l’État. Mais ce chiffre ne reflète pas entièrement la part dédiée à la recherche. Pour cela, il faut se référer à l’indice GERD (Gross Domestic Expenditure on Research and Development), qui mesure l’ensemble des dépenses publiques, privées et financements externes affectés à la recherche, rapportés au PIB.
Selon The Global Economy, cet indice pour Madagascar était estimé à seulement 0,01 % du PIB en 2017, une donnée reprise par l’UNESCO dans son Science Report de 2021. Dans le site de The Global Economy on peut lire que les données de l’ONU couvrant la période 1997-2017 confirment cette faiblesse. La moyenne sur ces vingt ans était de 0,12 %, avec un minimum de 0,01 % en 2014 et un maximum de 0,29 % en 2003. Or, l’UNESCO recommande qu’un pays en développement consacre au moins 1 % de son PIB à la R&D pour bâtir de solides capacités scientifiques. En comparaison avec les autres pays de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), Madagascar occupe la dernière place parmi les neuf pays disposant de données officielles dans le Science Report, derrière le Lesotho dont l’effort est un peu plus élevé avec 0,05 %. En tête de classement figure l’Afrique du Sud, qui consacre environ 0,83 % de son PIB à la recherche et au développement, illustrant un écart majeur dans les investissements scientifiques au sein de la région. A titre de comparaison, les pays les plus investis dans la recherche sont Israël, la Corée du Sud ou encore le Japon avec un GERD supérieur à 3%.
En somme, Madagascar peine encore à reconnaître pleinement l’importance de la recherche pour répondre à ses défis. La polémique née de la maladresse de la porte-parole de la Présidence reflète cette réalité. Malgré cela, des chercheurs malgaches s’illustrent sur la scène internationale à travers leurs publications à l’image du Pr Jonah Ratsimbazafy, témoignant un engagement pour faire progresser la recherche dans le pays.
Tolotra Andrianalizah